Par Cédric Mendoza le mardi 07 mai 2013, 21:54
Source : Vins Libres
Ce
qui suit ne va pas faire obligatoirement plaisir à lire à tout le
monde, mais que personne ne se sente vraiment visé en particulier, car
je pense bien avoir pas mal d’amis concernés par ce texte, qu’ils soient
organisateurs, vignerons ou simple participants.
Et que les choses
qui suivent soient tout aussi claires, je ne jette aucunement le haro
sur les salons dont je parle ici, ils sont indéniablement de qualité et
méritent largement votre visite, je suis d'ailleurs partenaire de l'un
d'entre eux...
Bref….
Comme
pour vous, ma liste d’amis Facebook doit être constituée d’à peu près
85% de gusses qui tournent autour de la sphère vins bios - vins
naturels, et comme vous, à moins d’être pris chaque nuit d’une
quelconque lobotomie, je suis de plus en plus frappé par le nombre
d’invitations à des salons de vins naturels que je reçois. Je pense que
hier, lundi, j’en ai comptabilisé 4…
Et dire de plus en plus frappé, découle, de fait, d’une augmentation logarithmique du phénomène.
Si c’est bien la future présence conjointe de 3 salons à Paris début juin qui a généré ces lignes, ce
n'est qu'un vague élément détonateur de ma réflexion car ce n’est
certainement pas la première fois qu’une forme de doute me prend quant
aux objectifs de cette joyeuse fanfaronnade qui depuis maintenant plus
de deux ans s’impose à nous.
Comparé
au milieu professionnel qui me concerne, la pharmacie, c’est même
stupéfiant, puisque les apothicaires belges ont droit à un salon
national tous les deux ans et à un ou deux salons plus privés, sur
invitation par an. Les plus aventureux de mes confrères pointent du nez
extra-muros pour profiter, en fait, une fois par an, d’aller faire la
fiesta à Paname. Une fameuse et sacrée différence…. quand on y pense….
D’accord,
je veux bien, la vague des passionnés des vins naturels est en train de
se transformer en une belle déferlante, mais faut-il pour autant
parler, par rapport au reste du Mondovino, de tsunami ? Alors pourquoi
tant de vigueur, tant de (sur)multiplication ? N’est-on pas en train de
s’étouffer soi-même ?
Côté
explications, il y a évidemment le côté sympa qui règne dans le milieu
du « glou », un climat qui fait que même sans visiteurs, pas mal de
vignerons sont heureux de se revoir et boire de bons coups ensemble,
c’est indéniable. Il y a aussi le fait que travailler éclatés dans de
petits cadres sympathiques au cœur d’une belle ville, c’est mieux que
d’^ter tous ensemble dans la froideur d’un hall des sports de
périphérie.
Mais cela vaut-il le coup de balancer, par vagues incessantes, une telle offre ?
Les exemples de trop pullulent. Sans m’acharner sur la coexistence des trois salons parisiens du 1er
juin, je pense que l’exemple des salons bio en Loire et dans le Sud est
édifiant. Comme à Saumur et Angers, par exemple, où on part d’une
sensibilité OFF compréhensible, et, où soudainement à côté de la Dive
Bouteille, fleurissent quatre à cinq off du off, le temps d’un WE, où,
le plus souvent, comble de la logique, chaque domaine est plusieurs fois
représenté. Autre exemple, tout aussi édifiant, l’incapacité devant
laquelle je me suis trouvé début avril, heureux que je sois d’avoir les
moyens de voyager, de faire plusieurs salons, faute d’ubiquité. Parce
que pendant que Vinitaly avec son étage officiel sur les vins naturels
se déroulait à Vérone avec en corollaire au moins deux salons off tout
aussi naturels, avait lieu la Beaujoloise et ses salons offs, de plus
en plus nombreux, et la grand messe belge du vin naturel à Olne. J’ose
pas penser à toutes les dégustations chez mes potes cavistes au même
moment. Et ne croyez surtout pas qu’en Italie, il n’y avait pas de
vignerons français, au contraire.. Et comme je pense être un
« passionné normal », je me déplace en voiture, voire par Ryanair, et à
mon avis, seule l’acquisition d’un hélico dernier modèle me
permettrait d’être partout, et encore…
Cela
peut faire sourire, mais je connais un pote qui de retour en pleine
nuit de Vérone a peut-être dormi deux heures avant de prendre le volant à
Bruxelles, direction le Beaujolais….
Evidemment
à ce stade, vous allez me dire, mais, Patrick, tu ne DOIS pas être
partout, puisque nous sommes partout, sois content de ne point trop
devoir te déplacer pour lever le coude avec du bon jus. Encore que
peut-on encore ne pas parler de déplacement quand en un jour et demi, on
se voit confronté à 3 salons de qualité, autant de repas sympas, le
tout aux quatre coins de Paris, et incluant évidemment le train
Bxl-Paris-Bxl ? Au fait… on dort ?
Certes,
je devrais être content mais, là, figurez-vous que je n’écris pas cet
article en ne pensant qu’à moi…. Parce ce qui se passe à l’échelle de
l’hexagone et des petites Suisse et Belgique avoisinantes, s’étend plus
que visiblement au reste du monde, ça pullule tellement que pendant que
Monsieur est aux States, Madame est à Londres pendant que le fiston est à
Paris… Un peu fou non ?
On
serait en février, moi, je veux bien encore comprendre qu’à part la
taille, ce n’est pas le rush dans les vignes, mais là, on est en mai et
juin, ça débourre de tous les sens, comment y font les supermans et
superwomens ? Enfin, y font pas tous les zozos, parce que, côté de la
botte, pour une tentative d’évènement en Belgique, presque tous les
vignerons contactés ont dit que cela allait être difficile, le nature
exigeant une présence de tous instants… Alors quoi, dans l’hexagone, les
domaines bénéficieraient-ils d’équipes pléthoriques ? Ou alors, on
préfère foncer, aller en surrégime, au point, comme une de mes amies
vigneronnes, de littéralement craquer nerveusement l’année passée à la
même époque, ou revenir récemment complètement malade d’un éprouvant
voyage aux States ?
Et
je parle pas de toutes ces joyeusetés en terme de logement, de quilles
ouvertes, faut vraiment croire que tout roule ou alors que...
Bref…
Y
a-t-il vraiment une demande qui nécessite une telle débauche
d’organisations, y a-t-il une telle demande qui fait qu’en un an, je me
retrouve une bonne quinzaine de fois vis-à-vis des même cuvées, aussi
sympathiques soient-elles, vis-à-vis des même joyeuses bouilles de
producteurs de glou ? Cela mérite-il d’aller puiser autant dans ses
réserves énergétiques, alors qu’à un moment le public, devant tant
d’abondance, ne sachant où donner les yeux de la tête (ça doit être
belge comme expression, ça), se met à dire ou à penser : « quoi ,encore
ceux-là, faisons l’impasse, de toutes manière, on aura bien encore
l’occasion de les voir dix fois cette année ! »
Souvent l’abus de bonnes choses nuit.
Et
comme, on peut vraiment parler de joyeuse entente dans le milieu,
n’est-il vraiment pas temps de se fédérer, du moins de s’adjoindre un
comité d’organisation qui établirait un calendrier objectif pour ce
joyeux cirque en folie ?
N’est-il
pas temps de réfléchir, avant que les visiteurs, tels des cormorans
s’étant vu offrir un bac de poissons pour eux tout seuls, se mettent à
errer, zigzagant, le ventre trop plein, en oubliant dès lors à
s’attacher à la qualité et surtout l’émotion qui devraient accompagner
les vins présentés ?
Ceci
n’est qu’une simple réflexion, pas une râlerie de plus, mais, ce serait
sympa si vous pouviez réagir, rien qu’en me disant où je fais peut-être
fausse route.
Dites-moi….
Source : Vins Libres