Burps !

Source : Vins Libres

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Ce qui suit ne va pas faire obligatoirement plaisir à lire à tout le monde, mais que personne ne se sente vraiment visé en particulier, car je pense bien avoir pas mal d’amis concernés par ce texte, qu’ils soient organisateurs, vignerons ou simple participants.
Et que les choses qui suivent soient tout aussi claires, je ne jette aucunement le haro sur les salons dont je parle ici, ils sont indéniablement de qualité et méritent largement votre visite, je suis d'ailleurs partenaire de l'un d'entre eux...

Bref….

Comme pour vous, ma liste d’amis Facebook doit être constituée d’à peu près 85% de gusses qui tournent autour de la sphère vins bios - vins naturels, et comme vous, à moins d’être pris  chaque nuit d’une quelconque lobotomie, je suis de plus en plus frappé par le nombre d’invitations à des salons de vins naturels que je reçois. Je pense que hier, lundi, j’en ai comptabilisé 4…

Et dire de plus en plus frappé, découle, de fait, d’une augmentation logarithmique du phénomène.
Si c’est bien la future présence conjointe de 3 salons à Paris début juin qui a généré ces lignes
, ce n'est qu'un vague élément détonateur de ma réflexion car ce n’est certainement pas la première fois qu’une forme de doute me prend quant aux objectifs de cette joyeuse fanfaronnade qui depuis maintenant plus de deux ans s’impose à nous.

Comparé au milieu professionnel qui me concerne, la pharmacie, c’est même stupéfiant, puisque les apothicaires belges ont droit à un salon national tous les deux ans et à un ou deux salons plus privés, sur invitation par an. Les plus aventureux de mes confrères pointent du nez extra-muros pour profiter, en fait, une fois par an, d’aller faire la fiesta à Paname. Une fameuse et sacrée différence…. quand on y pense….

D’accord, je veux bien, la vague des passionnés des vins naturels est en train de se transformer en une belle déferlante, mais faut-il pour autant parler, par rapport au reste du Mondovino, de tsunami ? Alors pourquoi tant de vigueur, tant de (sur)multiplication ? N’est-on pas en train de s’étouffer soi-même ?

Côté explications, il y a évidemment le côté sympa qui règne dans le milieu du « glou », un climat qui fait que même sans visiteurs, pas mal de vignerons sont heureux de se revoir et boire de bons coups ensemble, c’est indéniable. Il y a aussi le fait que travailler éclatés dans de petits cadres sympathiques au cœur d’une belle ville, c’est mieux que d’^ter tous ensemble dans la froideur d’un hall des sports de périphérie.

Mais cela vaut-il le coup de balancer, par vagues incessantes, une telle offre ?

Les exemples de trop pullulent. Sans m’acharner sur la coexistence des trois salons parisiens du 1er juin, je pense que l’exemple des salons bio en Loire et dans le Sud est édifiant. Comme à Saumur et Angers, par exemple, où on part d’une sensibilité OFF compréhensible, et, où soudainement à côté de la Dive Bouteille, fleurissent quatre à cinq off du off, le temps d’un WE, où, le plus souvent, comble de la logique, chaque domaine est plusieurs fois représenté. Autre exemple, tout aussi édifiant, l’incapacité devant laquelle je me suis trouvé début avril, heureux que je sois d’avoir les moyens de voyager, de faire plusieurs salons, faute d’ubiquité. Parce que pendant que Vinitaly avec son étage officiel sur les vins naturels se déroulait à Vérone avec en corollaire au moins deux salons off tout aussi naturels, avait lieu la Beaujoloise  et ses salons offs, de plus en plus nombreux, et la grand messe belge du vin naturel à Olne. J’ose pas penser à toutes les dégustations chez mes potes cavistes au même moment. Et ne croyez surtout pas qu’en Italie, il n’y avait pas de vignerons français, au contraire.. Et comme je pense être un « passionné  normal », je me déplace en voiture, voire par Ryanair, et à mon avis, seule l’acquisition d’un hélico dernier modèle  me permettrait d’être partout, et encore…

Cela peut faire sourire, mais je connais un pote qui de retour en pleine nuit de Vérone a peut-être dormi deux heures avant de prendre le volant à Bruxelles, direction le Beaujolais….

Evidemment à ce stade, vous allez me dire, mais, Patrick, tu ne DOIS pas être partout, puisque nous sommes partout, sois content de ne point trop devoir te déplacer pour lever le coude avec du bon jus. Encore que peut-on encore ne pas parler de déplacement quand en un jour et demi, on se voit confronté à 3 salons de qualité, autant de repas sympas, le tout aux quatre coins de Paris, et incluant évidemment le train Bxl-Paris-Bxl ? Au fait… on dort ?

Certes, je devrais être content mais, là, figurez-vous que je n’écris pas cet article en ne pensant qu’à moi…. Parce ce qui se passe à l’échelle de l’hexagone et des petites Suisse et Belgique avoisinantes, s’étend plus que visiblement au reste du monde, ça pullule tellement que pendant que Monsieur est aux States, Madame est à Londres pendant que le fiston est à Paris… Un peu fou non ?

On serait en février, moi, je veux bien encore comprendre qu’à part la taille, ce n’est pas le rush dans les vignes, mais là, on est en mai et juin, ça débourre de tous les sens, comment y font les supermans et superwomens ? Enfin, y font pas tous les zozos, parce que, côté de la botte, pour une tentative d’évènement en Belgique, presque tous les vignerons contactés ont dit que cela allait être difficile, le nature exigeant une présence de tous instants… Alors quoi, dans l’hexagone, les domaines bénéficieraient-ils d’équipes pléthoriques ? Ou alors, on préfère foncer, aller en surrégime, au point, comme une de mes amies vigneronnes, de littéralement craquer nerveusement l’année passée à la même époque, ou revenir récemment complètement malade d’un éprouvant voyage aux States ?

Et je parle pas de toutes ces joyeusetés en terme de logement, de quilles ouvertes, faut vraiment croire que tout roule ou alors que...

Bref…

Y a-t-il vraiment une demande qui nécessite une telle débauche d’organisations, y a-t-il une telle demande qui fait qu’en un an, je me retrouve une bonne quinzaine de fois vis-à-vis des même cuvées, aussi sympathiques soient-elles, vis-à-vis des même joyeuses bouilles de producteurs de glou ? Cela mérite-il d’aller puiser autant dans ses réserves énergétiques, alors qu’à un moment le public, devant tant d’abondance, ne sachant où donner les yeux de la tête (ça doit être belge comme expression, ça), se met à dire ou à penser : « quoi ,encore ceux-là, faisons l’impasse, de toutes manière, on aura bien encore l’occasion de les voir dix fois cette année ! »

Souvent l’abus de bonnes choses nuit.

Et comme, on peut vraiment parler de joyeuse entente dans le milieu, n’est-il vraiment pas temps de se fédérer, du moins de s’adjoindre un comité d’organisation qui établirait un calendrier objectif pour ce joyeux cirque en folie ?

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N’est-il pas temps de réfléchir, avant que les visiteurs, tels des cormorans s’étant vu offrir un bac de poissons pour eux tout seuls, se mettent à errer, zigzagant, le ventre trop plein, en oubliant dès lors à s’attacher à la qualité et surtout l’émotion  qui devraient accompagner les vins présentés ?

Ceci n’est qu’une simple réflexion, pas une râlerie de plus, mais, ce serait sympa si vous pouviez réagir, rien qu’en me disant où je fais peut-être fausse route.

Dites-moi….


Source : Vins Libres